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Flottement jurisprudentiel sur le point de départ de la prescription de l’action en nullité du brevet à titre principal
Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication
9 février 2018
La question du point de départ de la prescription de l’action en nullité du brevet à titre principal reste discutée.
- Dans son jugement du 16 mars 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a déterminé in concreto le point de départ du délai de prescription au jour où les demandeurs en nullité ont eu ou auraient dû avoir connaissance, compte tenu des avancées de leurs recherches et du projet sérieux déjà examiné, du fait que le brevet était susceptible de contrarier ce dernier.
- Le Tribunal de grande instance de Paris a adopté la même solution dans un jugement du 5 octobre 2017.
- Dans un jugement du 28 avril 2017, le Tribunal de grande instance de Paris adopte un raisonnement similaire en retenant in concreto comme point de départ de la prescription de l’action en nullité la mise en demeure adressée par un concurrent et à partir de laquelle il a pu être estimé que ce brevet était de nature à contrarier les projets industriels du demandeur à l’action en nullité.
Ces trois décisions considèrent donc que l’intérêt à agir en nullité d’un brevet naît de l’entrave que le titre constitue ou est susceptible de générer à l’endroit de l’activité économique exercée par le demandeur dans le domaine de l’invention : seul importe le brevet en tant qu’il est une gêne. Le critère de la publication de la délivrance du brevet est donc écarté, au motif qu’il imposerait aux acteurs concernés une veille permanente qui, même sur un marché restreint, apparaît difficilement réalisable.
- Pourtant, peu de temps avant, dans un arrêt confirmatif du 8 novembre 2016, la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 Chambre 1) a jugé que la prescription de l’action en nullité d’un brevet ne peut courir à l’égard d’un tiers qu’à compter de la date de publication de la demande de brevet, avant laquelle il ne pouvait en connaître l’existence, peu important qu’en vertu de l’article L613-1 du code de la propriété intellectuelle, en cas de délivrance, le droit exclusif d’exploitation du breveté prenne effet à compter du dépôt de la demande.
Cette décision est à l’évidence critiquable dans la mesure où, postérieurement à sa publication, une demande de brevet peut être modifiée et l’étendue de la protection peut en conséquence varier.
- Dans un arrêt du 22 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 Chambre 2) a retenu comme point de départ la date de publication de la délivrance du brevet. Elle estime que la publication du brevet constitue pour les tiers un moyen de connaître leurs droits et que dès lors un professionnel exerçant dans le même domaine que le breveté et qui introduit sur le marché un nouveau produit est tenu de respecter les droits ayant donné lieu à publicité sans pouvoir arguer de son ignorance.
Cette décision infirme le jugement de première instance qui avait retenu comme point de départ de la prescription quinquennale la mise en demeure adressée par le titulaire du brevet au demandeur. En effet, le Tribunal avait estimé qu’il ne pouvait être soutenu que ce dernier aurait dû connaître le brevet dès sa publication car ceci signifierait que tout distributeur, fabricant ou importateur devrait surveiller le registre des brevets pour pouvoir exercer son activité.
- Dans un arrêt confirmatif du 20 octobre 2017 rendu dans une autre affaire, la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 Chambre 2) retient encore que la prescription de l’action ne peut commencer à courir, au plus tôt, qu’à compter de la publication de la délivrance du brevet, date à laquelle la Convention sur le Brevet Européen confère des droits au brevet européen. Il précise ainsi que si la demande de publication d’un brevet ne fait pas acquérir de droits au breveté, la publication du brevet constitue une reconnaissance de ses droits.
- Dans un arrêt du 28 Novembre 2017, la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 Chambre 1) a pris en compte la date de publication de la délivrance du brevet.
- Dans un jugement du 26 janvier 2018, le Tribunal de grande instance de Paris a pris en compte la date de la décision de la Chambre de Recours de l’OEB sur la requête en modification du brevet européen en considérant que ce n’est qu’à cette date que la défenderesse a pu avoir une connaissance précise des revendications et de l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son action.
L’incertitude demeure donc !